À Genève, les non-voyants n’ont plus droit à la carte de stationnement réservée aux personnes à mobilité réduite.

Privé de sa carte de stationnement, un aveugle de 72 ans s’insurge.


Pierre et Monique Muller ont été choqués de l’accueil qui leur a été réservé à l’Hôtel de police. Image: LUCIEN FORTUNATI

 

«À la police, on m’a dit: «Un aveugle n’est pas un handicapé!» Je me suis senti traité comme un moins que rien.» Âgé de 72 ans, Pierre Muller a perdu la vue il y a une trentaine d’années. À la fin du mois de juillet, il a voulu renouveler sa carte de stationnement pour handicapé. Celle qui permet notamment à son épouse, Monique, de garer leur voiture sur des places réservées aux handicapés. Mais à sa grande surprise, cette fois-ci, il n’y a rien eu à faire.

Le phénomène est assez nouveau. Même la faîtière genevoise des handicapés, la Fégaph, n’était pas au courant. «Lorsque je suis arrivé à l’Hôtel de police muni de mon rapport médical concernant la mobilité réduite en lien avec ma cécité, la préposée au guichet m’a demandé de patienter, enchaîne Pierre. Elle est allée voir son supérieur dans son bureau. C’est là que j’ai entendu cette phrase qui m’a humilié. Puis elle est revenue et m’a dit que les directives avaient changé et que je n’étais plus en droit de posséder cette carte, où figurent mon nom et ma photo.»

Besoin vital d’être accompagné

Pour le couple Muller, le coup est rude. «Je ne distingue que la clarté, et encore. C’est insuffisant pour me déplacer seul dans un endroit que je ne connais pas», poursuit cet ancien cadre de l’Hôpital.

«Mon mari ne fait pas 10 mètres sans assistance, relève Monique. D’où l’importance, quand je l’emmène quelque part, de pouvoir l’accompagner dès la sortie de voiture. Dans les transports publics, les aveugles sont considérés comme des handicapés. Dans les TPG, ils ne paient pas leur place et leur accompagnant non plus. Dans les trains, c’est presque la même chose, seul l’accompagnant ne paie pas. Alors pourquoi est-ce différent sur la route?»

Directive appliquée à la lettre

Les préposés de l’Hôtel de police, au Service de délivrance de documents au public, se seraient-ils fourvoyés en refusant d’accorder la carte de stationnement à Pierre Muller? Pas du tout. Ils n’ont fait qu’appliquer une directive de la Commission intercantonale de la circulation routière, que la police genevoise nous a fait parvenir. Elle date de 2015.

Que dit en substance ce texte qui s’appuie sur l’art. 20A de l’ordonnance fédérale sur la circulation routière? Que «le handicap moteur se manifeste par le fait que la personne handicapée ne peut (…) se déplacer à pied sur une distance ne dépassant pas 200 mètres environ, soit avec des moyens auxiliaires spéciaux, soit en étant accompagnée. Il s’agit là d’une mobilité réduite dont la cause peut être imputable à l’appareil moteur des jambes (handicap direct), au système respiratoire ou sanguin (handicap indirect).» Point final.

La police ajoute que les cartes de stationnement pour handicapé sont délivrées gratuitement à Genève, ce qui n’est pas forcément le cas dans d’autres cantons.

Ils utilisent leur carte périmée

Et les non-voyants dans tout ça? En termes de mobilité réduite, la directive ne les considère pas comme des handicapés. D’où les propos, certes peu appropriés, du préposé de la police. Pourtant, dans d’autres cantons, on est plus souple, indique Jean-Luc Widmer, vice-président de la section genevoise de la Fédération suisse des aveugles (FSA). Après quelques recherches, il nous précise que «dans le canton de Vaud, par exemple, les aveugles et malvoyants peuvent bénéficier d’une carte de handicapé».

Alors que faire, en attendant que les choses bougent à Genève? «Nous continuons à utiliser notre carte, bien qu’elle soit désormais périmée, avouent les époux Muller. Nous risquons évidemment une amende, mais tant pis!»

Un petit espoir demeure

Il y a cependant un petit espoir. La FSA Genève précise en effet qu’un macaron de stationnement peut être délivré aux bénévoles de la FSA qui ont un véhicule destiné à accompagner les personnes âgées handicapées de la vue et qui ont de la peine à se déplacer. Ce qui semble bien être le cas de Pierre Muller…

(source de l’article TDG)